Interview publiée dans le cadre du Mois de l'ESS
Quel est votre parcours ?
Maxime : Je suis jeune diplômé d'une école d'ingénieurs à Toulon et je me suis lancé dans ce projet avec l'aide du PÉPITE HESAM, notamment.
Jean-Louis : Même école que Jean-Louis, parcours en innovation mécanique. On a fait le D2E (NDR : diplôme étudiant-entrepreneur). C'était une rampe de lancement pour le projet.
Maxime : Et ça apporte de la solidité.
Comment vous avez eu l'idée ? Pourquoi ce déclic ?
Maxime : C'était pendant un Startup Weekend, dont la thématique était la mer.
Jean-Louis : Pendant 48h, on doit constituer une équipe et imaginer un projet viable pour le présenter devant un public.
Maxime: L'idée de départ c'était : « Ok, on va mettre un truc qui va distribuer aux gens de la crème, gratos, sur les plages. Je suis en galère de crème parce que je suis roux, comment je fais ? ».
© SunnyCare
Qu'est-ce qui n'allait pas avec la crème solaire ?
Maxime : L'aspect environnemental, les filtres chimiques qui dégradent les océans...
Jean-Louis : Les coraux, la biodiversité, tout l'environnement marin...
Maxime : Exactement. Les filtres chimiques bloquent les UV sur les coraux, ce qui empêche la production de plancton. Et du coup les poissons ne peuvent pas se nourrir de plancton...
Jean-Louis : Une vraie réaction en chaîne.
Maxime : Il y a 24 000 tonnes de crème déversées dans les océans, chaque année. Sur l'aspect sanitaire : on observe une recrudescence des cancers de la peau, en particulier chez les jeunes, parce qu'il y a un rapport au bronzage qui est en évolution.
On peut parler de l'aspect sociétal aussi. Il y a des gaps dans l'éducation à la santé. Suivant l'éducation que tu as eu quand tu étais jeune, tu n'as pas forcément eu accès au même niveau d'information sur le sujet. Et sur la crème en elle-même, un dernier point : certaines des crèmes contiennent des nanoparticules, qui sont potentiellement dangereuses selon de récentes études. Il y a en tout cas une incertitude sur l'impact de ces nanoparticules pour la santé.
C'est quoi ces nanoparticules ?
Maxime : En gros, ce sont de tous petits bouts de titane qui traversent l'épiderme et qui vont dans le sang. Voilà, ce sont tous ces sujets qui nous ont poussés à travailler sur ce sujet.
© SunnyCare
Comment ça fonctionne, SunnyCare ?
Maxime : On a centralisé toutes ces problématiques dans une borne qui a plusieurs fonctions. La première, c'est d'informer, en l'occurrence donner l'indice UV en temps réel, un peu comme les drapeaux sur les plages. Comme la borne utilise des capteurs en temps réel, elle émet un signal lumineux pour donner une indication à l'usager. Rouge : protège-toi ; vert : il y a un peu moins de danger.
La deuxième fonctionnalité est de l'ordre du conseil : en fonction de ton phototype et de l'indice UV, on va te donner l'indice de protection solaire adapté à ta peau. Et enfin, la dernière étape c'est la distribution d'une bille de crème solaire : une dose pour une utilisation, en sachant que l'application de la crème peut être vérifiée à l'aide d'une caméra UV qui va te dire s'il y a des zones qui sont mal protégées et sur lesquelles il faudrait mettre un peu plus de crème.
Jean-Louis : La crème qu'il y a dans les billes, c'est la nôtre. On a établi le cahier des charges nous-mêmes donc il n'y a pas tous les trucs qu'on a évoqué un peu avant.
Et la bille est en gélatine végétale : elle est biodégradable.
La question tombe presque à l'eau mais la dimension ESS était-elle présente dès le début ?
Jean-Louis : C'est un sujet qui nous tient à cœur de toute façon. La question pour nous a été de savoir comment mettre nos compétences d'ingénieurs au service d'un sujet qui nous motive et qui correspond à nos valeurs.
Donnez 3 bonnes raisons de ne pas ignorer une borne SunnyCare quand on passe devant
Maxime : La mission de SunnyCare, c'est de rendre la protection solaire ludique, accessible à tous et responsable pour la santé et la planète.
Jean-Louis : Les enfants faisant aussi partie de notre public-cible, l'aspect ludique est très important pour enlever ce frein de la protection solaire.
Maxime : L'accessibilité à toutes et tous c'est aussi un truc vachement important pour nous. En étant présents sur le lieu d'exposition, ça nous permet d'apporter le message de prévention et la protection à toutes les personnes qui sont présentes sur le lieu, peu importe ce qu'elles ont vécu avant.
Vous retenez quoi de ce moment en étudiant-entrepreneur ?
Jean-Louis : En sortant de l'école d'ingés, on n'a pas toutes les compétences pour se lancer dans l'entrepreneuriat. Du coup, ce statut nous a aidés avec des ateliers, nous a aidés sur le plan financier pour savoir comment chercher des investissements, sur l'aspect juridique pour apprendre à gérer les statuts, etc.
Et puis c'est aussi une communauté donc on peut échanger avec des personnes qui sont au même stade d'avancement. Soit on aide des personnes qui sont encore au stade de l'idée, soit on se fait aider par ceux qui sont un peu plus avancés et qui ont passé plusieurs étapes dans leur projet.
Maxime : Avec PÉPITE, il y avait des ateliers, du partage de connaissances et ça, ça permet d'acquérir par les pairs, et c'est efficace.
Comment avez-vous connu PÉPITE ?
Maxime : J'étais en stage à Paris et j'avais présenté SunnyCare pour un petit concours. Et à ce moment-là, il y avait une personne de PÉPITE présente et elle est venue me parler de l'entrepreneuriat étudiant. En gros, moi je lui ai expliqué qu'on savait faire la borne mais qu'on avait besoin d'une structure.
Elle nous a dit que ça correspondait exactement à ce qu'ils faisaient et voilà c'était parti.
© Pepite France
Des moments de découragement, des grosses galères, des soulagements aussi ?
Maxime : On a eu des problèmes avec un fournisseur, pour les petites billes en l'occurrence. On s'est retrouvés juste avant l'été avec un mec qui nous disait qu'il n'allait pas pouvoir nous livrer... Pas avant septembre. Donc là on a eu un gros coup de stress, pas évident à gérer.
D'autant que t'as affaire à des personnes plus expérimentées que toi, qui te disent que c'est normal d'avoir des retards dans l'industrie et toi t'es tout jeune et tu te dis : « mais nan mais ça va pas se passer comme ça en fait » (rires).
Jean-Louis : Après on a eu quelques petits moments de galère un peu marrants. On aime bien aller tester, on aime aller au contact des utilisateurs donc on a souvent été à côté de la borne pour voir comment les gens interagissaient avec. Et donc, pour tester en hiver, on est allés à la montagne - on n'y était jamais allés avant, on n'avait jamais fait de ski ni rien - et on y est allés avec une petite voiture et une borne.
On a acheté ça 70€ sur « Le Bon Coin », 4 planches en bois qui ont été découpées, une tablette tactile reconditionnée, on a mis quelques petits fils ensemble et on a posé cette « borne » sur la station de ski. Et les gens venaient prendre la crème solaire et utilisaient la borne donc là on s'est dit que le concept intéressait. À partir de là, on a fait plusieurs prototypes, plus solides, commercialisables, avec l'aide d'un designer, et on a pu tester ça tout l'été sur des festivals.
© SunnyCare
Et ça a bien marché sur les festivals ?
Maxime : On a fait 62 jours de festival cet été et distribué 10 000 billes de crèmes gratos pour les gens, donc ouais, plutôt cool.
Jean-Louis : On a fait « We Love Green », « Garorock », le « Main Square »... ça permet d'avoir de la visibilité et avec deux bornes, de mailler le territoire.
Maxime : Et surtout on a appris beaucoup de trucs. La borne a bien évolué depuis le début des tests. Sur chaque implantation, on fait une séance de retours sur expérience et maintenant on sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. On va maintenant chercher à industrialiser le processus, pour implanter les bornes dans les villes et sur les plages, mais on est en tout cas sûrs du résultat grâce à toute cette phase de test.
Comment travaillez-vous sur le message de prévention ?
Maxime : Au départ, on a beaucoup travaillé avec le CRIPS, qui nous a beaucoup accompagné sur ce qu'était un message de prévention, sur les indicateurs, etc. et maintenant on est en partenariat fort avec l'association Sécurité Solaire, qui est centre de recherche de l'OMS en France sur la prévention solaire. Avec eux, on travaille à la fois à ce que nos messages soient efficaces tout en correspondant aux recommandations de l'OMS. Parce que c'est leur métier et l'idée c'est de déterminer la forme du message pour que celui-ci soit plus audible pour le grand public. On est maintenant labellisés Sécurité Solaire.
Sur l'ESS : comment l'expliquer avec vos mots ?
Maxime : Alors : économie, social, et solidaire.
Ok, merci beaucoup !
Maxime : Plus sérieusement, ça pose vraiment une base parce que nous, on le voit comme la combinaison des trois.
Tout l'enjeu de SunnyCare c'est aussi de montrer qu'il y a des business models qui sont viables, tout en s'appuyant sur des valeurs et ces trois leviers d'interaction que sont l'aspect économique, l'utilité sociale et l'accessibilité.
Sur la protection solaire, des idées reçues constatées ?
Maxime : On a vu des comportements catastrophiques, des gens qui faisaient leur propre crème solaire avec de l'huile de l'olive. Et en fait, ça n'a que pour vertu d'aggraver les choses.
Maxime : N'essayez pas de faire votre propre crème solaire, c'est complexe à faire. Sinon, c'est pas parce qu'il y a des nuages qu'on est protégé·e.
Jean-Louis : On entend aussi qu'avec la crème solaire, on ne bronze pas alors que c'est totalement faux.
Maxime : Et à la montagne les UV sont plus forts. Et avec la réverbération sur la neige en plus...
© SunnyCare
Quelles sont les prochaines étapes pour SunnyCare ?
Maxime : Industrialiser tout le processus, obtenir les certifications, trouver les partenaires industriels adéquats, d'autant qu'on veut tout faire en France : la crème, les billes et les bornes. Objectif : faire en sorte que d'ici l'été prochain on ait un parc de 20 à 50 bornes implantées sur tout le territoire. On veut tester notre capacité à gérer une flotte de bornes et toute cette logistique.
Jean-Louis : Le dernier message à faire passer c'est sur l'entrepreneuriat.
On entend parfois qu'il ne faut pas parler de son idée, la garder pour soi, déposer des brevets en amont, etc.
START IN ESS de la Mairie de Paris, l'entrepreneuriat étudiant avec PÉPITE, et à chaque étape on se remettait en question.