Rencontre avec Lorène Gaydon, dessinatrice

Comment devient-on dessinatrice de bande dessinée ? C’est la question qu’on a eu envie de poser à Lorène Gaydon, ancienne élève de l’École des Arts Décoratifs – PSL, qui publie sa première BD intitulée Le regard et le dessin.

En utilisant les possibilités offertes par la technique du monotype (trace, image fantôme, superposition...), par l'utilisation exclusive du noir et blanc (niveau de gris, contraste), vous mettrez en scène la notion de mouvement dans une série de trois images (triptyque). Montrer le mouvement en juxtaposant les images fixes est l'un des grands enjeux de la narration graphique. Nous avons pour cela à notre disposition tout un tas d'outils et notamment la mise en scène du temps via l'ellipse narrative. Une des questions à se poser est : combien de temps se passe entre mes images ? une seconde, une minute, un an, un siècle ? Les images doivent mettre en scène l'espace et le temps.

Lorène Gaydon : Dessiner, ça peut être très dur quand on commence. On ne sait pas par où commencer, on ne sait pas quoi raconter... On est bloqué, on n'a pas d'idée, on ne sait pas comment représenter l'espace...   Louis : Mon projet reprend la course du Baou en trois images. Le Baou c'est la première hallucination d'Arthur Rimbaud, c'est un sujet qui m'avait beaucoup marqué il y a 2 ans. C'est un peu cet oiseau qui avance, qui court, qui picore et qui disparaît petit à petit.

Lorène Gaydon : C'est super beau, je trouve, le rendu graphique de des textures, notamment de la brosse à dents. Je suis curieuse de savoir pourquoi est-ce que tu as représenté trois fois l'oiseau à la même place dans la page ?" Louis : "Je me suis pas vraiment posé cette question, mais j'ai décidé enfin s'il est là, c'était surtout pour travailler en fait... ce fantôme notamment.

Lorène Gaydon : Ce qui m'intéresse le plus en tant que dessinatrice, c'est de construire des espaces dans lesquels des personnages prennent vie, de réfléchir à la façon dont l'image statique peut représenter le déroulé du temps. J'ai vu à quel point c'était un médium qui permettait de rejouer toutes les problématiques contemporaines à travers des histoires.

Louise : C'est une scène de décapitation, avec un prisonnier deux gardes, un roi, une bulle de dialogue "coupez-lui la tête" et directement après, l'image du corps avec la tête détachée sur le sol.

Denis Pérus : est-ce que tu peux nous dire ce qui ce qui t'amène à travailler sur cette idée de décapitation ?

Louise : J'ai tenté donc de travailler sur une ambiance, comme dit Adrienne, très oppressante... retranscrire un peu aussi l'angoisse du personnage. C'est dans l'air du temps oui bah on a tous envie de décapiter un peu des gens (rires).

Lorène Gaydon : Je considère que la narration a un énorme pouvoir de transformation du monde. C'est quelque chose dont j'étais persuadée déjà quand j'étudiais aux Arts déco.

Adrienne : J'ai ma petite vie et je me rase et me dis, ah tiens, là, il y a des mouvements de liquide, de matière, ici donc une première image qui se concentre sur le tirer et de même sur la plaque de plexiglass, je tire la matière. Je reprends ici plus une image de frottement qui peut être frottement de la joue, frottement du miroir, pour garder un peu cet amusement. J'avais en tête à la fois Philip Guston qui a vraiment des gros des gros dessins.

Lorène Gaydon : J'ai choisi d'aller à l'Ecole des Arts déco pour sa transdisciplinarité. La première année est commune à tous les étudiants. Ensuite, en 2e année, on se spécialise et moi j'ai choisi l'image imprimée notamment parce qu'en première année on teste plusieurs pratiques et moi j'avais testé la gravure et j'avais trouvé ça vraiment génial.  Quand on apprend à dessiner on peut être face à énormément de problématiques comme l'utilisation de références. Est-ce qu'on a le droit d'utiliser des références ? Est-ce que c'est légitime de copier les images des autres ? Comment faire des choix, notamment quand on on représente la réalité ? Qu'est-ce qu'on choisit de garder ? Qu'est-ce qu'on choisit de retirer ?Donc le dessin, c'est une pensée de l'instant. Quand on dessine la main et l'esprit sont connectés.

Moi j'ai voulu travailler sur l'imagerie médiévale parce que c'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup. Là il se prend totalement le cadre parce que ce qui m'intéressait aussi c'était de jouer sur ce cadre qui revient dans les trois temps et de casser ça. A la fin on ne s'attend pas forcément à ça. Soit on s'attend à une une chute qui est un peu plus brutale et moi je voulais justement jouer sur cette attente qu'on peut avoir, au final en créant quelque chose qui n'est pas forcément très impressionnant. On s'attend vraiment à ce que le cheval sorte enfin voilà, qu'il sorte et qu'il passe derrière le cadre. Or tu nous montres bien que ce n'est qu'une convention et qu'on peut s'en amuser. On est d'une grande liberté quand on est manipulateur d'images. C'est vraiment construit comme une blague quoi. C'est vraiment situation initiale, développement, en fait ah non, ce n'est pas un cadre.  Il faut suivre la voix du kiff on est confronté à énormément de problématiques et il ne faut jamais oublier que le plaisir doit être au centre de son travail. Si on s'amuse pas en fait, ça ne vaut pas la peine, enfin, ça ne vaut pas la peine ! Je pense que je suis venue à la bande dessinée notamment sur ce projet de du regard et du dessin, parce que ça m'a semblé être la meilleure façon de transmettre ce que je voulais faire. C'était le meilleur médium pour parler du dessin mais d'une façon détournée par le dessin. Parce qu'il y a 1000 façons d'apprendre à dessiner. Moi, j'ai choisi de ne raconter seulement que quelques petites anecdotes. J'ai choisi de me me baser sur un espace qui existe, c'est-à-dire mon atelier, un espace où je travaille tous les jours. Je me mets en scène en train de réfléchir à comment j'ai appris à dessiner.  Donc ça représente un an de travail avec plusieurs étapes. L'étape de l'écriture, donc le scénario, c'est 4 mois de travail. Ce qui est assez court pour un scénario de BD, mais en fait j'avais déjà des kilos et des kilos de papiers, avec des citations, des notes, des anecdotes liés au dessin. Le postulat du livre c'est que un regard, ça se façonne par l'expérience, par l'apprentissage, les Voyages. On apprend aussi à comprendre ce qu'on voit c'est-à-dire à regarder le monde avec un regard d'artiste.

En plus, le golf par essence c'est un sport à l'esthétique millimétrée où le Green est tondu vraiment au cordeau et là, tu nous proposes des images qui sortent de l'esthétique habituelle.

Lorène Gaydon, Le regard et le dessin, éditions Premier parallèle
Credits:

Dans cet album, Le regard et le dessin (éditions Premier Parallèle), qui est un récit d’apprentissage en BD, Lorène Gaydon incarne un personnage, celui d'une jeune artiste, ancienne étudiante à l’École des Arts déco - PSL. Dans ce décor de papier inspiré de la vie réelle, on croise une galerie de personnages à l'instar de Denis Pérus, peintre et professeur de dessin qui a enseigné dans la section image imprimée de l'école. L'autrice y distille quelques astuces pour penser et pratiquer le dessin, par exemple : comment faire des choix, débloquer son imagination et développer son propre style de dessin. Rencontre.

La prépa est un endroit incroyable pour découvrir la richesse des possibilités d’études artistiques. 

Lorène Gaydon

Pourquoi avoir choisi l’École des Arts Décoratifs - PSL ?

Lorène Gaydon : En classe prépa, j’ai découvert l’offre des études artistiques qui est beaucoup plus large que ce qu’on ne pourrait penser lorsqu’on est lycéen. J’ai ensuite passé le concours d’entrée à cinq écoles, situées à Paris, Lyon, Strasbourg. J’ai choisi d’aller à l’École des Arts Décoratifs - PSL pour sa transdisciplinarité et ses dix secteurs, c’est idéal pour quelqu’un d’un peu touche-à-tout, qui n’a pas encore trouvé son médium. La première année est commune, des liens se tissent. Ensuite on se spécialise : il y a des enseignements théoriques en commun, des cours pratiques dans les ateliers techniques. L’école est à taille humaine, les étudiants peuvent se rencontrer indépendamment de leur niveau d’études ou de leurs choix disciplinaires.

Planche extraite de la bande dessinée Le regard et le dessin
Credits:
Lorène Gaydon / Premier Parallèle

L’École des Arts Déco est un lieu de rencontres et d’émulation collective. 

 Lorène Gaydon

Comment se sont déroulées vos études en image imprimée ? Racontez-nous.

Dans le secteur image imprimée, on apprend à créer en anticipant dès le début les contraintes et les problématiques de la reproduction des images. Les images sont amenées à être reproduites sur une multitude de supports (livre, affiche, flyer, kakémono…). Cela passe par l’apprentissage des procédés d’impression : gravure, sérigraphie, risographie... Il y a aussi des exercices de typographie, de couleur, de modèle vivant, de scénario, de narration.

On apprend à utiliser les contraintes de reproductibilité, on les manipule, on les interroge. 

Lorène Gaydon

Techniquement, on s’intéresse de près à la séparation des couleurs primaires, à la quadrichromie, les trames, mais aussi les types de papiers et de reliure. Cela passe par l’apprentissage des logiciels de la suite Adobe (Photoshop, Indesign, Illustrator…), le travail de pré-presse (scan, préparation des fichiers pour l’impression, etc.). Cela représente 5 ans d’études : licence et master avec des possibilités d’équivalence, les échanges Erasmus sont également encouragés.

Créer des liens, c’est la force de cette école. C’est notre futur réseau professionnel. 

Lorène Gaydon

Comment vous est venue l’idée du livre ?

Quand on est étudiant, on rencontre profs et artistes qui nous transmettent des expériences, des histoires. On apprend essentiellement en regardant les autres. Muni de ce bagage, chaque dessinateur élabore ses méthodes.

Planche extraite de la bande dessinée Le regard et le dessin
Credits:
Lorène Gaydon / Premier Parallèle

Mon prof d’image imprimée Denis Pérus disait : « Les photos ne suffisent pas. Il faut aller voir le monde en face » et ça m’a suivi… Je me suis mise à faire du dessin dit « sur le motif ». C’est une pratique fondamentale pour développer son style et affiner sa pensée d’artiste. Un autre professeur, Bernard Skira disait : « enquêtez ! soyez en éveil ! regardez vos proches, montrez-les nous dans toute leur complexité. ». J’ai compris qu’on peut se servir de ce qu’on a autour de soi, des rencontres, des explorations, se servir de ces expériences pour créer des images.

Il y a mille manières d’apprendre à dessiner. 

Lorène Gaydon

Dans ce livre, j’ai voulu démystifier le dessin, tout en lui rendant hommage. C’est un récit personnel, subjectif. J’y partage des astuces, des formules magiques qui décoincent l’imagination et le trait. Je raconte comment dépasser ses peurs et prendre plaisir à dessiner. Un ami dessinateur m’avait dit : « il faut suivre la voie du KIFF ». La notion de plaisir est hyper importante. C’est génial de dessiner ! j’ai qu’une envie, que tout le monde se mette à dessiner !

Découvrir le travail de Lorène Gaydon 

L'École des Arts Décoratifs – PSL

Cursus image imprimée

Le cursus image imprimée propose de maîtriser, tous les moyens de conception et de réalisation de l’image de création mise au service d’un propos ou d’une narration. La pédagogie met l’accent sur la pratique du dessin, mais aussi sur l’expression des langages plastiques d’aujourd’hui.

Le travail de création est conçu en lien avec les enjeux de multiplication, d’impression et d’édition, au sein des différents ateliers à disposition de l’école : sérigraphie, gravure et pré-presse. L’acquisition des compétences techniques, la maîtrise de la chaîne graphique et des traitements numériques sont au cœur de la formation professionnelle.

1er cycle, licence

L'année 1 est pluridisciplinaire et transversale.

La 2e année permet à l’étudiant de découvrir l’ensemble des composantes de l’image imprimée. 

La 3e année investit de manière plus approfondie et autonome les différents champs éditoriaux et artistiques de l’image imprimée ; la dernière partie de l’année amène l’étudiant au développement d'un projet éditorial permettant de vérifier l’ensemble des acquis dans le cadre du diplôme de licence.

2e cycle, master

En 1re année de master, l’accent est mis sur la recherche personnelle et les projets plus longs, préparant l’étudiant à une plus grande autonomie. C’est aussi l’année de la rédaction du mémoire de fin d’études, soutenu en fin d’année scolaire.

La 2e année de master, quant à elle, se consacre à un grand projet d’image imprimée pour se conclure par la soutenance du diplôme devant un jury spécifique. L'objectif est de se mesurer aux enjeux de la création contemporaine et aux exigences professionnelles.

Découvrir la formation image imprimée de l'Ecole des Arts décoratifs - PSL

 

Remerciements à Lorène Gaydon et son éditrice pour leur disponibilité, à l'École des Arts décoratifs – PSL qui a accueilli notre tournage, à Denis Pérus, enseignant en image imprimée, et aux étudiants de 2e année qui ont participé à ce reportage.

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