Comment et pourquoi est née l'association ?
Marine : L'association "Les Gypaètes Barbus" est née en 2011. Elle a été créée par la promotion de Master 1 "Biodiversité et Développement Durable" de l'UPVD . Depuis, c'est une tradition : le bureau est tenu par la promotion de M1 BDD, la passation de pouvoir se fait à l'automne. Nous allons passer la main à la promo 2017-2018 après la Fête de la science.
L'association a été créée entre autres parce que les sorties prévues dans le cadre de notre formation sont limitées et laissent peu de place aux connaissances et spécialités des étudiants : on est dans un cadre d'apprentissage dans les sorties avec nos enseignants. Le but ici est surtout de se mettre dans une position de partage des connaissances et des passions.
Quelles sont les activités et les actions de l'asso' ?
Marine : La majeure partie des activités de l'asso' tournent autour des sorties naturalistes : on va sur le terrain, on se balade et on profite des connaissances de chacun pour reconnaître des espèces, animales ou végétales.
Nous sommes des scientifiques, des écologues : tout tourne autour de cette notion.
Le but aussi est de (faire) découvrir la région, le département : en tant qu'étudiants, nous sommes amenés à changer de fac. La majorité de notre promotion ne vient pas du coin : l'idée est de découvrir l'environnement dans lequel on est amené à vivre et qui diffère souvent totalement du milieu dans lequel on a grandi. En tant que Bretonne, je me sens vraiment concernée par ce point : je connais un climat différent donc des espèces différentes. Ensuite on essaye de participer au maximum à des événements de sensibilisation, comme la Fête de la science. Enfin, au fil des années, l'asso' a construit un réseau intéressant de professionnels, de la région notamment (assos non étudiantes, conservateurs des réserves catalanes, etc) : ça peut aider, professionnellement parlant (stages ou embauche).
Jonathan : Parmi les actions de l'asso' on peut également citer qu'à notre échelle, nous offrons l'opportunité aux étudiants d'avoir une structure pour monter et diriger des projets de conservations.
En-dehors de la Fête de la science, organisez-vous d'autres actions de médiation ?
Marine : Cette année, nous avons organisé une conférence à la fac sur les requins et les raies de méditerranée. L'idée était de démystifier ces espèces, notamment les requins : le manque de connaissances amène la peur, donc la connaissance amène logiquement à un meilleur comportement et une meilleure gestion de notre environnement.
Ensuite, nous avons souhaité participer à la Caravane du Desman, au printemps dernier. C'est un événement annuel de sensibilisation autour du Desman des Pyrénées, un mammifère protégé que l'on retrouve spécifiquement dans la chaîne des Pyrénées. C'est la Fédération des Réserves Naturelles Catalanes qui organise, sous la forme d'une caravane qui sillone la région. Manque de chance, suite à des problèmes d'emploi du temps, nous avons dû annuler...
© Desman des Pyrénées - Commons Wikipedia
Actuellement, nous préparons une visite guidée au Muséum d'Histoire Naturelle de Perpignan pour faire connaitre ce musée qui a trop peu de succès.
En-dehors de la préservation des espèces menacées, y a-t-il d'autres thèmes inhérents à vos actions, liés au développement durable, au spécisme, ou autre ?
Marine : Nous ne menons pas d'actions au sens politique du terme. Nous sommes des étudiants scientifiques, des écologues et non des écologistes. Notre but est la connaissance et le partage de ces connaissances de manière générale. Nous participons à des missions de sensibilisation pour la préservation des espèces et des espaces - menacés ou non.
Si tout le monde évitait de jeter ses déchets par terre ce serait déjà bien :)
Dans nos missions de sensibilisation, nous encourageons le civisme de chacun, nous ne portons aucun discours sur des sujets impliquant la politique ou l'économie. Ce genre de conversations, nous les avons entre nous, en cours ou en aparté. L'association, en tous cas cette année avec la gestion de notre bureau, ne se prononce pas sur les sujets d'actualités : nous restons dans une position d'étudiants scientifiques.
Jonathan : Plus précisément, nos actions vont de la vulgarisation scientifique, de la découverte des outils de sciences participatives auprès du grand public, des échanges lors de sorties naturalistes, à la création ou la participation à des projets de suivi de population ou de plan de conservation.
Individuellement, quels thèmes, quelles problématiques, en lien avec les actions de l'asso', vous tiennent le plus à cœur, et pour quelles raisons ?
Marine : Personnellement, ce sont les événements de sensibilisation et les rencontres avec le grand public. La Fête de la science en particulier. On fait découvrir au public des choses qui sont là, sous leur nez, et auxquelles ils ne pensent même pas ! On pourrait se dire qu'on apprend plus de choses aux enfants qu'aux parents mais non, et c'est ça que j'adore : tout le monde a le même niveau de connaissance !
Très peu sont au courant qu'il y a deux espèces menacées de tortues dans la rivière en bas de chez eux !
L'an dernier combien savaient qu'il y avait plus d'accidents mortels à cause des vaches que des requins et qu'une minorité de serpents étaient dangereux ? On leur dit des choses simples, concrètes, et ils sont ravis.
Jonathan : La vulgarisation me tient particulièrement à cœur. C'est un axe majeur du métier de scientifique bien trop souvent négligé. Je suis intimement convaincu que par ce dernier nous arriverons à faire changer les mentalités en matière d'environnement en accord avec les problématiques de notre société. C'est d'ailleurs pour le moment la majeure partie des activités de l'association, comme les conférences tous publics, ou la participation à des événements comme la Fête de la science.
Barbara : Les problématiques en lien avec les actions de l'association qui me tiennent à cœur sont la protection d'espèces en danger et la sensibilisation du public. Certaines espèces ont mauvaise réputation alors qu'elles sont nécessaires à notre écosystème et je pense qu'il est important de démystifier ces espèces pour que les gens les voient sous un autre jour.
Aloyse : Pour ma part, ce sont les sorties naturalistes que je préfère. Surtout quand on arrive à les organiser avec un professionnel qui partage avec nous ses connaissances des espèces et des écosystèmes. C'est un type d'échange qui est plus personnel que celui qu'on peut avoir lors de nos études universitaires. Ces sorties permettent d'acquérir notamment des connaissances naturalistes qui nous manquent, mais l'association donne aussi l'occasion aux étudiants de rencontrer les professionnels et d'apprendre davantage sur ce qui les attend concrètement après leurs études.
Ce sont des instants de partage privilégiés entre passionnés de générations différentes.
© Sortie palme-masque-tubac au sentier sous-marin de la réserve naturelle nationale marine de Banyuls - Les Gypaètes Barbus
L'aspect local semble important, au regard des espèces sur lesquelles vous mettez l'accent. L'asso' interagit-elle avec son environnement immédiat (université, ville, région, grand public, autres assos) pour mener à bien certaines actions ?
Marine : L'ensemble des adhérents sont étudiants en biologie/écologie à l'UPVD. Nous sommes ouverts à toutes les adhésions mais les activités que nous proposons sont extrêmement ciblées vers les étudiants de notre filière. Pour les activités de sensibilisation, nous avons eu l'occasion de mettre en place différents partenariats comme j'ai pu le mentionner plus haut. La Fête de la science est organisée avec l'UPVD, la Caravane du Desman avec la Fédération des Réserves Naturelles Catalanes et les sorties naturalistes avec notre réseau au sein des réserves catalanes ou d'autres associations comme Objectif Terre-Mer (asso' étudiante de l'UPVD plus spécialisée en géologie) ou L'Aude au Nat' (asso' naturaliste non étudiante de l'Aude).
Individuellement, depuis quand vous intéressez-vous à ces sujets, et quel a été le "déclic" ? (Ou le parcours de réflexion)
Marine : Le bien-être animal m'a toujours intéressée : enfant, je voulais être vétérinaire. Puis en grandissant, je me suis orientée en fac de biologie puis spécialisée en écologie. La biologie à l'échelle moléculaire ou cellulaire ne m'intéressait pas : trop compliqué, trop abstrait. Je voulais me positionner à l'échelle de l'organisme. Je me suis donc intéressée à l'écologie comportementale : que fait l'animal dans son milieu naturel et comment réagit-il à différentes situations ? Et l'écologie en générale, avec en priorité toutes les problématiques liées à la conservation des espèces et des espaces. Au final je n'ai jamais vraiment eu de déclic, ça a toujours été là.
Je m'installais devant ARTE et leurs reportages animaliers plutôt que devant France 3 et leurs dessins animés.
Jonathan : Durant mon parcours d'études j'ai voulu lier les sciences et ma passion pour la plongée sous-marine. Petit je regardais la rediffusion du « Monde du Silence » et les aventures du commandant Cousteau.
De nos jours ce sont les expéditions du photographe et biologiste Laurent Ballesta qui m'ont inspiré.
Je suis très impliqué dans le milieu associatif étudiant, la diffusion et la vulgarisation scientifique sont devenues une passion.
© Sortie palme-masque-tubac au sentier sous-marin de la réserve naturelle nationale marine de Banyuls - Les Gypaètes Barbus
Barbara : Je m'intéresse à ces sujets depuis le collège.
Je suis une passionnée des requins et dès lors que j'ai appris leur mauvaise réputation à cause de certains films, ça a été un déclic, je voulais démontrer à tout le monde qu'ils se trompaient.
Aloyse : Personnellement, je ne parlerai pas de déclic en ce qui me concerne. Grâce à ma famille, j'ai appris très tôt à regarder et à être sensible à la nature et à l'environnement. Ma famille affectionne particulièrement la montagne et les sports de plein air. Depuis toute petite je regarde les oiseaux avec mes grands-parents.
Ce sujet faisait tellement partie de ma vie quotidienne qu'au départ je n'ai pas pensé que je pourrais travailler dans l'écologie et l'environnement.
Je me suis d'abord orientée vers le métier de sage-femme dont la sélection m'a contrainte à revoir mon projet professionnel, et c'est à ce moment-là que j'ai découvert les possibilités de parcours qui existaient pour travailler dans le domaine de l'écologie.
La Fête de la science est l'occasion de faire de la médiation, selon chacun de vous, quel(s) sujet(s) en particulier, quelles problématique(s) vous semblent les plus ardues à expliquer ?
Marine : Les problématiques liées à des sciences complexes comme la génétique par exemple. C'est une science qu'on utilise beaucoup en écologie de la conservation mais elle est très pointue, pour nous étudiants, alors pour le grand public, c'est encore plus abstrait. Ensuite, tout ce qui a trait aux problématiques environnementales ou écologiques liées au social, à la politique ou l'économie. Quand on nous demande pourquoi tel animal est en danger, il faut être honnête et parler de la pollution et des activités humaines en général. On peut avoir des réactions du style "ah bah oui mais on peut plus rien faire alors !".
Notre rôle est justement de leur faire comprendre que nous ne sommes pas là pour les empêcher de faire ce qu'ils veulent, juste d'essayer de créer un équilibre entre activités humaines et respect de l'environnement et que les deux ne sont pas incompatibles. Dans la mesure du possible, nous essayons de ne pas rentrer dans des débats politiques : nous avons une posture de scientifiques à la Fête de la science, pas de militants.
© Vue de Banyuls - Les Gypaètes Barbus
Jonathan : En soi, il n'y a pas de problématiques simples ou compliquées, mais il y a des sujets que l'on peut qualifier de « sexy ». Les grandes thématiques de la santé publique, la paléontologie (merci Jurassic Park), ou le développement durable sont « à la mode ». Il est certain qu'expliquer les problématiques liées à la physique quantique, à la taxonomie ou encore la biochimie, même appliquée à l'environnement, semble complètement impossible. Et pourtant, ces sujets sont fondamentaux.
C'est là que le travail de la diffusion et de la vulgarisation scientifique entre en jeu !
Barbara : Lors de la Fête de la science, la problématique qui me semble la plus ardue est de faire changer d'avis au public lorsqu'il a déjà des préjugés à propos de certaines espèces. Le dialogue devient alors difficile.
Aloyse : La difficulté n'est pas tant l'explication des thèmes que l'adaptation de son discours aux différents types de public. Lors de la Fête de la science on accueille beaucoup d'enfants, il faut donc faire en sorte de transmettre ce que nous avons à leur apprendre de manière simple. Certains sont déjà sensibilisés et la discussion me semble plus facile et plus fluide avec les enfants car le respect de la nature est de plus en plus enseigné. C'est plus délicat quand on s'adresse à des adultes non sensibilisés et/ou aux opinions très marquées. Et quand la discussion bascule vers la politique c'est encore plus compliqué selon moi.
Avez-vous des anecdotes, ou des instants en particulier, que vous avez vécus au sein de l'asso', pendant une action, au contact du public ou autre, et qui vous ont particulièrement marqués ?
Marine : La Fête de la science de l'an dernier où un enfant d'une dizaine d'années connaissait mieux que moi le sujet que je présentais. C'est ça que j'aime dans la médiation, c'est un partage, on est deux acteurs dans l'histoire. Je peux apprendre de vous, autant que vous pouvez apprendre de moi.
Jonathan : Lors de la conférence sur les requins et les raies, organisée par l'asso' en partenariats avec l'association Ailerons, je présentais une partie dédiée à la découverte des principales espèces de raies rencontrées sur la côte du massif des Albères. L'asso' avait prévu une collation en fin de conférence pour permettre aux personnes du public de venir discuter ensemble sur le sujet. J'étais enthousiasmé de voir se mélanger et discuter ensemble plongeurs amateurs, simples curieux, étudiants de toutes disciplines, avec des professionnels, chercheurs... C'est cela pour moi le but de la science, un partage des connaissances !
© Visite de l'aquarium de Canet - Les Gypaètes Barbus
Barbara : Un instant en particulier qui m'a marquée est la conférence sur les requins que nous avons organisée avec mon autre association Ailerons, à Montpellier. Parler devant autant de personnes sur un sujet qui me passionne m'a autant excitée qu'effrayée. Mais avec mes collègues, on a fait du bon boulot et finalement, les gens étaient heureux d'avoir appris quelque chose. Et à la fin, on a pu échanger librement avec tout ceux qui étaient restés.
Je pense que ça a été très instructif autant pour eux que pour nous.
Aloyse : C'est une sortie naturaliste qui m'a beaucoup marquée. J'étais adhérente et non membre du bureau quand j'ai participé à une sortie à la Réserve Naturelle Nationale de Nohède avec un professionnel des orthoptères (criquets, sauterelles et grillons). Cette sortie a été une des plus intéressantes que j'ai faite. C'est à ce moment là que j'ai compris l'enjeu de l'association et les possibilités qu'elle offrait.
Dans quel cursus étudiez-vous ? Déjà un objectif professionnel précis ?
Marine : Je suis actuellement en M2 BDD à l'UPVD. J'aimerais m'orienter vers un poste d'ingénieur d'étude en recherche appliquée : faire des expériences scientifiques dans un but précis de conservation des espèces, par exemple autour de la problématique du réchauffement climatique !
Jonathan : Actuellement étudiant en Master 2 Sciences de la Mer au sein de l'Université de Perpignan, mon objectif professionnel s'orienterait sur un poste de plongeur scientifique au sein d'un laboratoire de recherche ou d'un bureau d'études, et travailler sur des sujets de préservation des espèces marines.
Barbara : Je suis dans un cursus de biologie marine. Je suis actuellement en année de césure pour effectuer d'autres expériences en-dehors du parcours scolaire. Mon projet professionnel n'est pas tout à fait précis, je sais juste que je veux travailler à la protection des requins et aider aux développement d'un mécanisme qui permet de résoudre les conflits entre humains et requins dans certaines îles du monde.
Aloyse : Je suis actuellement en Master 2 Biodiversités Écologies Évolution - parcours Biodiversité et Développement Durable. J'aimerais m'orienter vers un poste d'ingénieur écologue en bureau d'études ou bien de chargé de mission au sein d'une collectivité locale car je suis intéressée par la gestion et la préservation des espaces naturels.
© Sortie palme-masque-tubac au sentier sous-marin de la réserve naturelle nationale marine de Banyuls - Les Gypaètes Barbus
Un mot sur votre événement lors de la Fête de la science ? Qu'est-ce que le public pourra découvrir ?
Marine : Nous avons choisi cette année de présenter quatre espèces animales que l'on retrouve spécifiquement ou non dans la région : le calotriton des Pyrénées, le mérou brun, le gypaète barbu et le desman des Pyrénées. Ce sont des espèces méconnues du grand public qui ont chacune un statut de protection particulier.
Pour être le plus ludique possible, nous avons choisi de les présenter sur le thème Pokémon ; notre stand s'appelle "Préservez-les tous !". Petit bonus, si vous répondez correctement aux questions que nous posons à la fin de la présentation des espèces, vous gagnez une carte pokémon à l'effigie d'une de nos quatre bestioles.
Jonathan : Ce sont quatre espèces que l'on qualifie en écologie d'espèces « parapluie ». Mise en avant auprès du grand public, la préservation de leur habitat permet la protection de toutes les autres espèces bénéficiant de ce dernier. En plus, la présence de ces quatre espèces sensibles à toute modification du milieu indique un bon état de l'écosystème.
> Retrouvez les Gypaètes Barbus au village des sciences de Perpignan, les 12 & 13 octobre !