Interview publiée dans le cadre du Mois de l'ESS, qui inclut une Semaine étudiante de l'économie sociale et solidaire
Qui êtes-vous ?
Aymeric : Je suis le directeur général d'Enactus France depuis 9 ans et j'ai découvert l'entrepreneuriat social quand j'étais étudiant.
Être entreprenant, cela peut être « créer mon entreprise » mais c'est aussi « entreprendre dans une organisation, faire bouger les choses de l'intérieur », toujours avec une finalité sociale et environnementale.
Léna : Je suis diplômée depuis cette année mais je me questionne encore. Mes études, c'est l'histoire d'un réveil, j'y reviendrai.
Ophélie : J'ai 20 ans, j'ai commencé à entreprendre depuis mes 18 ans, avec le projet ZAC.
En parallèle, j'ai fait des études d'économie et finances mais malgré les compétences que j'ai pu utiliser pour mon projet, je ne m'y retrouvais pas du tout, donc j'ai pris le statut étudiante-entrepreneure de PEPITE.
S'engager dans l'économie sociale et solidaire n'est pas une démarche anodine ?
Aymeric : Il n'y a jamais eu de génération aussi consciente des enjeux sociaux et environnementaux, à côté de chez soi ou à l'autre bout du monde. Il peut y avoir une dichotomie entre « ce à quoi j'aspire » et puis « mon quotidien ». L'ESS permet peut-être de réconcilier les deux. Le travail est l'espace dans lequel on passe le plus de temps, donc il est compréhensible de vouloir concilier ses aspirations personnelles à un impact positif que l'on peut créer dans son activité.
Ophélie : C'est aussi pour ça qu'il peut y avoir une prise de conscience tardive, de personnes plus âgées, en se rendant compte que leur parcours ne leur correspond pas tout à fait.
Aymeric: Quand je suis arrivé chez Enactus il y a 9 ans, 90% des projets étaient internationaux : des projets de solidarité à l'étranger. Et aujourd'hui, 93% des projets se déroulent en France.
© Enactus France
Qu'est-ce qui vous a incité à pousser la porte d'Enactus ?
Léna : J'ai suivi des autoroutes toutes tracées jusqu'à ma classe prépa', j'étais une bonne élève, et arrivée en école de commerce j'avais une Junior entreprise et je me disais que cela allait m'ouvrir des portes mais je m'étais pas tellement questionnée sur mes aspirations profondes.
Et je sentais un décalage même si j'ai appris beaucoup de chose en Junior entreprise. Mon histoire familiale fait que je suis assez sensibilisée à la cause environnementale et je sentais un décalage avec mes valeurs.
Je suis revenue en France et je suis partie en woofing ; et pendant un mois, je me questionnais sur ce que j'allais bien pouvoir créer dans mon école. Je suis tombée sur Enactus en faisant des recherches. Non seulement ça me plaisait au niveau des valeurs mais en plus il y avait l'aspect « prise de conscience par l'action » qui me semblait important. Le passage à l'action n'est pas si évident.
Donc avec des amis, j'ai décidé de créer une structure Enactus au sein de Skema Business School à Sophia Antipolis, près de Nice.
Aymeric : Il y a deux façons de s'engager avec Enactus. Soit vous portez un projet et on vous accompagne dans le passage à l'action, soit vous crééz ou animez une structure Enactus pour faire rayonner l'entrepreneuriat social et apporter des ressources aux porteurs de projet.
Léna : On sentait dans l'école qu'on n'était plus minoritaires à être dans cet état d'esprit, mais on n'était pas non plus majoritaires donc il fallait sensibiliser un maximum de personnes sur le fait que l'ESS c'est plus qu'un secteur : c'est des valeurs.
Il y a parfois une marginalisation parce qu'on en fait quelque chose « d'à part » et cela nuit à l'impact qu'on veut avoir. Mon objectif, c'était de communiquer auprès des autres étudiants sur le fait que c'était pas juste un projet qu'on allait choisir à un moment donné mais qu'on pouvait choisir un projet qu'importe sa filière.
Ophélie : Ce qui m'a énormément plu avec Enactus, c'était la cohérence. Il y a cet environnement très bienveillant qui nous aidait à nous développer - comme un esprit de famille. Quand j'avais besoin d'un conseil, je pouvais tout de suite être orientée et je savais que ce serait toujours bienveillant.
Et en parallèle, PEPITE m'accompagne pour le bon suivi de mon projet, pour faciliter tout l'aspect administratif et l'interface avec mon université, avec des aménagements pour mes études.
Aymeric : On travaille en complémentarité des PEPITE, qui permettent aux étudiants de pouvoir mener leurs études dans des conditions plus souples, et nous, on peut apporter notre expertise et notre réseau sur l'entrepreneuriat social.
Ophélie, comment fonctionne ton projet ZAC ?
Ophélie : En France, il y a plus de cent millions de lunettes de vue et solaires au fond des tiroirs. On les collecte soit dans les universités et les écoles via des challenges soit dans des entreprises.
En échange, on fait un rapport de collecte qu'ils peuvent communiquer pour valorisation de leur démarche RSE (NDR : Responsabilité sociétale des entreprises).
Une fois les lunettes collectées, on va les reconditionner via une structure qui emploie des personnes en situation de handicap.
La vente se fera ensuite en ligne et également chez les opticiens. On se positionne comme distributeur avec une offre de lunettes à moindre coût social et environnemental.
© Enactus France
Les meilleures raisons de rejoindre Enactus selon vous ?
Ophélie : Parce que c'est un accompagnement global, complet et qualitatif.
Léna : L'aspect réseau aussi. En rencontrant d'autres étudiants, cela permet de faire évoluer les projets, de créer des liens, tout simplement. J'ai aussi pu trouver des stages grâce à Enactus et développer mon réseau professionnel. C'est aussi un réseau mondial, donc c'est intéressant de voir comment certaines problématiques sont traitées dans d'autres pays. Et puis la bienveillance, encore. En gros, j'ai l'impression d'avoir gagné dix ans.
Aymeric : Je parle peu, et ce que j'entends me fait chaud au cœur. Je dis toujours que les meilleurs ambassadeurs d'Enactus sont les étudiants qui sont passés chez nous.
Si vous avez un projet, on met en place un dispositif d'accompagnement adapté pour vous. Et si vous n'avez pas de projet, on a aussi un parcours dédié - dans lequel on va vous inviter à choisir la thématique que vous avez « dans les tripes » : environnement, accès aux soins, précarité, aide à nos aînés... On vous aide à passer à l'action. Il vous faut par contre l'envie de départ mais pour le reste, on fait tout pour que vous réussissiez.
© Enactus France
Parce que vous aurez quand même acquis une expérience. On ne peut pas demander à quelqu'un qui a 18, 22 ou 25 ans de faire le Google de demain. Tant mieux, si ça arrive ! Mais ce que je veux dire, c'est que là, il s'agit souvent d'une première expérience entrepreneuriale et dans tous les cas, quel que soit le résultat du projet, vous allez vous reconnecter à vos aspirations et acquérir des compétences.
Des compétences en gestion de projet, qui vous seront utiles toute votre vie et quelle que soit votre voie professionnelle. Acquérir un état d'esprit, aussi : l'esprit entreprenant. « J'ai l'art de la débrouille. La porte est fermée, je vais passer par la fenêtre, je vais trouver des solutions ».
La capacité à être ingénieux, la méthodologie pour trouver des idées, et enfin, sortir de sa zone de confort.
Et pour terminer, retrouver du sens à ce que l'on fait, mieux connaître l'économie sociale et solidaire, rencontrer des entrepreneurs qui sont dans cette démarche, renforcer la confiance et l'estime de soi.